Hatem Akrout

« Yves Gneagy »

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Le mot du marchand

L’art de la commande, et plus spécifiquement de la commande de portrait, qui fut une des mamelles nourricières des artistes pendant des siècles, pourrait être en voie de renaissance. La photo numérique par ses milliers de clichés oubliés sur carte mémoire, jamais vraiment mobilisables car toujours perdus dans une arborescence mal contrôlée lui laisse en en effet nouveau un espace. Toutefois en matière de portrait, être commanditaire n’est pas à la portée de tous. Il faut non seulement savoir accepter le regard d’un autre sur soi-même mais quelque part aussi le cautionner. La principale retenue provient d’ailleurs de l’inquiétude d’être catalogué par les tiers comme détenteur d’un égo surdimensionné. La crainte d’être obligé, comme le projetait le Marquis de Montespan pour d’autres rasons, de faire élargir les portes de ses résidences afin de pouvoir y passer avec une tête enflée. On peut alors se demander quel intérêt a un collectionneur à s’arrêter sur sa propre personne ou celle de ses proches. Cet intérêt s’échelonne sur plusieurs niveaux. Tout d’abord celui de faire travailler un artiste dont il apprécie l’œuvres dans un cadre très personnel. Puis le fait qu’une toile ou un bronze sont rarement remisés dans un tiroir et que leur « consultation » au mur ou sur un socle est quasi quotidienne. Quand, avec le temps, ils ne se « voient » plus, leur présence est cependant toujours ressentie. La manière des artistes participe aussi pleinement du plaisir de se faire portraiturer. Car si la demande de représentation des tiers se porte, pour des raisons évidentes de respect des personnes, sur des factures très réalistes, celle de soi-même autorise plus de latitude et peut souscrire aux interprétations déstructurées, déjantées ou satiriques. Car un portrait délivre évidemment bien plus qu’une simple ressemblance. Il traduit non seulement une apparence physique mais inscrit aussi en filigrane une personnalité. Il détient en lui-même toute une histoire, l’histoire de sa genèse. L’occasion pour laquelle il a été commandé, les raisons qui ont motivé le choix particulier d’un artiste les aléas des étapes de sa réalisation. Il se crée ainsi nt l’œuvres et le commanditaire une relation intime à laquelle aucune pièce d’origine indifférenciée ne pourra jamais prétendre.

Ref : 4981

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